Tay Gil « L’adaptation restera toujours la clé »

Ancien commandant au sein des forces spéciales israéliennes puis instructeur de combat corps-à-corps au sein de l’équipe de sécurité du président, titulaire d’un doctorat de sociologie ayant pour thème la performance sous stress, cet expert 8e dan, homme aux mille casquettes professionnelles donnait son troisième stage aux licenciés de la FFKDA il y a deux semaines.

D’où vous vient cette appétence pour la self-défense ?

Tout commence par le comportement dont je faisais preuve enfant et qui, il faut l’avouer, donnait du fil à retordre à mes parents. Aujourd’hui, on m’aurait probablement diagnostiqué des troubles déficitaires de l’attention ou de l’hyperactivité mais, à l’époque, aux yeux des adultes, j’étais simplement un enfant qui présentait des difficultés à lire, à écrire, qui n’écoutait pas plus qu’il n’obéissait et multipliait les problèmes de comportement. Alors, dès mes cinq ans, ma mère a opté pour le judo. Cela aurait aussi bien pu être autre chose mais, à la fin des années soixante, la proposition d’arts martiaux était moindre et, surtout, le club le plus proche proposait du judo. Rapidement, j’y ai trouvé une échappatoire pour dépenser beaucoup d’énergie. Puis j’ai diversifié ma pratique, d’abord par le karaté puis le kick-boxing, avant d’aller faire un tour dans un club d’immigrés russes à Ramla, vers l’âge de douze ans. Saisir, frapper, amener au sol, je savais le faire… mais leur pratique du sambo m’initiait à savoir combiner tout cela, avec une nouvelle tenue qui ouvrait d’autres perspectives, auxquelles s’ajoutaient toutes sortes de clés et de soumissions que je découvrais. Bref, on peut dire que je me suis bien fait botter les fesses les premières semaines, mais je découvrais un nouveau monde martial ! En parallèle du judo où j’ai intégré pendant un temps l’équipe nationale cadets, j’accordais donc une place grandissante au sambo jusqu’à atteindre la deuxième place nationale chez les -70kg à l’âge de dix-sept ans…

Le krav-maga n’apparaît donc qu’en second lieu ?

Seulement lorsque je réalise mon service militaire obligatoire, à la sortie du lycée. Lors des camps d’entraînements à l’armée, nous devions régulièrement nous soumettre à des tests de maniement des armes, de condition physique et de combat. Étant donné mon passé martial et sportif, j’excellais dans ces deux derniers domaines, et les instructeurs m’ont rapidement encouragé à rejoindre les forces spéciales, en 1981. C’est là, au centre national d’entraînement au combat que je fais la connaissance d’Eli Avikzar, qui dirigeait la section de combat rapproché des Forces de Défense israéliennes. Difficile de disposer d’un meilleur professeur que la toute première ceinture noire de l’histoire du krav-maga, non ? 

C’est lui qui a façonné votre vision de la discipline ?

En réalité, Eli n’était pas le seul instructeur, mais lui et moi avions quelques points communs dans le domaine martial. Loin de se restreindre aux seules techniques du krav-maga, il utilisait aussi sa science du judo, du jujitsu, du karaté et d’autres arts martiaux. Non pas le krav-maga que l’on qualifierait aujourd’hui de traditionnel, mais bien celui conçu comme une solution directe pour résoudre les conflits d’une extrême violence. C’est cette approche ultra fonctionnelle à laquelle j’ai rapidement adhéré. Le judo, le karaté, l’aïkido sont de bons arts martiaux, mais suffisent-ils face à des problèmes spécifiques en opération ? L’adaptation restera toujours la clé, car les situations ne se répètent jamais face aux opposants les plus déterminés. Par la suite, c’est cette approche tactique que je me suis efforcé de transmettre à mes élèves lorsque je suis à mon tour devenu instructeur de combat au début des années 1980, avant d’intégrer l’unité d’élite antiterroriste du Yamam. Le krav-maga ne constitue qu’une petite portion des techniques à maîtriser, physiquement, mentalement ou techniquement. À ce niveau, il s’agit de devenir une machine humaine.

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